L'avenir en construction s'annonce BIM! - Mars 2016 - 2

Par Direction des communications, de la formation et des partenariats de la CMEQ Publié le

Qu’est-ce que le BIM signifie pour le maître électricien? Est-ce seulement accessible aux grosses entreprises? Comment une petite ou moyenne entreprise peut-elle naviguer dans la vague BIM? L’opinion de M. Michel Bonneau, directeur Direction des services techniques à la Corporation des maîtres électriciens du Québec (CMEQ).

Question :
Bonjour Michel, pouvez-vous nous parler un peu de l’approche BIM?

Réponse :

En premier lieu, pour nos membres et pour l'industrie en général, le BIM est une complètement nouvelle façon de faire. Le plan BIM à partir duquel le maître électricien devra effectuer les travaux est un plan 3D (trois dimensions) qui intègre tous les corps de métiers nécessaires à la réalisation du projet. Tout est pensé et réglé à l'étape de la conception et de la modélisation, avant le début des travaux. Avec la méthode dite traditionnelle, le chef d'équipe et ses électriciens font la conception de l'installation sur place, à partir des plans 2D. Avec le BIM, tout se fait avant, sur la table à dessin. Donc, un spécialiste en modélisation doit nécessairement travailler avec un chef d'équipe à concevoir le plan 3D, et ce, dans un esprit de collaboration et de partage des expertises. C'est nouveau pour les maîtres électriciens de procéder ainsi, ce qui implique une période d'adaptation. Le chef d'équipe devra visualiser le plan avant d'être sur le terrain et de commencer la production.

Question :
Qu’est-ce que ça signifie pour un maître électricien de travailler avec le BIM?

Réponse :

Il est important de segmenter les types d'entrepreneurs en différentes catégories. Premièrement, il y a l'entrepreneur qui dispose de ressources financières importantes, qui veut intégrer le BIM complètement dans sa méthode de travail. Il devra investir dans l'acquisition de ressources humaines, des techniciens modélisateurs, qui eux, devront aussi être formés sur le BIM afin de pouvoir travailler avec le maître électricien et ses chefs d'équipe et procéder à la modélisation 3D du projet, en collaboration avec les autres intervenants. Pour l'entrepreneur de plus petite taille pour qui l'intégration totale du BIM est quasi impensable, ce qui est possible, c'est de s'associer ou de sous-contracter avec une firme d'ingénieurs ou un autre entrepreneur électricien pour la conception 3D. Si le maître électricien souhaite seulement être en mesure de lire les plans 3D et de suivre le chantier, il doit minimalement s'être muni au préalable de l'équipement nécessaire à la lecture des plans 3D, une tablette par exemple, et avoir suivi une formation qui facilitera cette lecture. Le maître électricien se doit aussi d'avoir un minimum d'expertise dans le bureau avant de se lancer dans un projet BIM. Selon moi, la majorité des membres de la CMEQ qui voudront se lancer dans le BIM risque d'opter pour un travail conjoint.

Question :
Est-ce un avantage ou un désavantage de travailler ainsi?

Réponse :

Ce qu'on dit dans l'industrie, c'est que le BIM est révolutionnaire. Ça permet d'être plus efficace au niveau des échéanciers et des coûts de production. Pour le donneur d'ouvrage, c'est extrêmement alléchant. Et si on suit la tendance de l'industrie, les maîtres électriciens n'auront pas le choix de travailler en BIM, car ce seront les donneurs d'ouvrage qui l'exigeront. C'est déjà commencé avec la Société québécoise des infrastructures (SQI) et les autres grandes villes du monde; plusieurs projets exigent le BIM au moment des plans et devis. Si ce critère n'est pas respecté, le maître électricien ne peut tout simplement pas soumissionner.

Le BIM est révolutionnaire. Ça permet d'être plus efficace au niveau des échéanciers et des coûts de production.

Question :
Les entrepreneurs ont donc tout intérêt à adhérer à BIM, non?

Réponse :

Selon moi, ils n'auront pas le choix de prendre le train qui passe! L'avenir en construction s'annonce BIM. Pour les gros projets, si l'on prend encore l'exemple de la SQI, on prévoit des investissements publics en infrastructures d'environ 9 G$ entre 2015 et 2025. Dans ce lot de projets, la SQI va exiger l'approche BIM pour environ 10 projets majeurs. Pour une plus petite entreprise, un projet BIM peut signifier un contrat pour une clinique médicale ou une tour à condos.

Question :
On parle de quel genre d’investissement?

Réponse :

Pour le maître électricien, c'est un gros investissement en temps et en argent à faire au début. Il doit se former et s'équiper, mais ça devient rentable en bout de ligne, au moment de la réalisation, parce qu'on sauve des heures d'exécution sur le terrain. Avec le BIM, il n'y a plus de surprises ou de conflits qui retardent à outrance la livraison d'un projet. Tout est calculé. Je parlais justement avec un maître électricien qui devait poser 350 points d'ancrage à fixer au plafond. Normalement, ce genre de projet aurait pris une semaine à réaliser sur un chantier conventionnel. En utilisant l'approche BIM, les 350 points ont été fixés en 1 journée. Et la marge d'erreur était de l'épaisseur d'un trait de crayon!

Question :
Selon vous, quels seront les facteurs qui faciliteront la transition pour l’entrepreneur électricien?

Réponse :

Tout résidera dans l'attitude de l'entrepreneur et son ouverture au changement. Certains seront très ouverts et curieux face à cette nouvelle façon de faire les choses et d'autres seront plus réticents. Les plus réticents, voire ceux qui refuseront de s'adapter au BIM, devront probablement réorienter leurs perspectives d'affaires; faire uniquement du résidentiel, par exemple. Il faudra ensuite qu'il soit intéressé à aller se former! Parce que pour être minimalement à l'aise avec le BIM, il faut suivre 2 formations, une de base pour être capable d'utiliser un logiciel BIM, par exemple Revit®, qui est d'une durée d'environ 20 heures. Une deuxième formation d'environ 30 heures est nécessaire en électricité pour comprendre la modélisation de base, pour pouvoir analyser et interpréter le 3D. Pour l'entreprise qui désirerait former ses employés afin de faire de la conception, il sera important de bien s'informer sur les programmes offerts. Actuellement, deux établissements scolaires publics offrent ce genre de programme à Montréal : le Cégep du Vieux-Montréal et l'ÉTS. 

Tout résidera dans l'attitude de l'entrepreneur et son ouverture au changement.

Question :
Pour terminer, avez-vous des conseils à donner aux maîtres électriciens quant à la venue du BIM?

Réponse :

Comme pour toute nouveauté et tout changement majeur, il faudra s'ajuster et s'adapter de part et d'autre, tant pour les donneurs d'ouvrage que pour les gens de métier. On parle de culture organisationnelle; on peut avoir des idées révolutionnaires, mais on ne peut pas changer du jour au lendemain. Il sera important de collaborer et de bien gérer le changement. Et une chose est certaine, on ne peut pas dépasser l'humain, on doit lui laisser le temps de s'adapter.

La CMEQ a fait ses représentations auprès de la SQI et nous l'avons sensibilisée sur le fait que ce ne sont pas tous les entrepreneurs qui sont rendus au même niveau d'utilisation du BIM. S'ils veulent de la compétition lors de l'appel d'offres, les donneurs d'ouvrage doivent donner le temps à l'industrie et aux maîtres électriciens de se familiariser, d'acquérir de l'expertise et de l'expérience avec cette approche afin que s'installe une saine compétition lors de la soumission. Tout le monde devra y aller graduellement et l'implantation se fera certainement sur plusieurs années encore!

 

Article publié dans Électricité Québec, volume 63, No 2, mars 2016

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